21 Juin 2015
Ce soir nous avons perdu les élections à Asnières. Nous sommes des êtres de chair. Et nous en avons pris plein la tronche. Sébastien Pietrasanta a beaucoup pris dans ce combat. S’il a tenu parce qu’il croyait en la justice, il tenait encore plus par sa foi en ceux pour qui il se battait, ceux pour qui il s’est toujours battu. C’est pour lui que je tenais à écrire ces quelques lignes avant d’aller chercher un sommeil qui ne viendra pas.
L’adversaire a dix points d’avance sur nous. En vérité, ce ne sont pas dix points qui nous séparent, mais tout un monde. C’est sans doute la raison pour laquelle cette défaite me laisse à ce point sans amertume. Ils ont gagné dans un monde, quand nous, nous concourrions dans un autre. Nous ne sommes pas eux. Et c’est une telle satisfaction de n’être pas de leur monde.
On a rarement vu autant de haine déferler sur les urnes qu’à ces élections Asniéroises. La campagne menée par Aeschlimann n’était pas faite d’abord pour gagner, mais détruire ses adversaires.Dans cette folie destructrice, nombre de nos concitoyens, aspirant à la tranquillité et n’ayant pas les armes nécessaires pour distinguer le vrai du faux, ont choisi de se tenir à l’écart de ce qu’ils ont cru à tort être un combat de rue. C’était l’effet recherché. Ils se sont laissé prendre au piège d’Aeschlimannn qui, attisant ici la haine des aigris, a démobilisé là les hommes et les femmes de bonne volonté.
Ces forces positives de notre ville n’étaient pas assez nombreuses aujourd’hui pour épargner à notre ville cinq années de malheurs inévitables. Le brouhaha des tracts orduriers, de la haine qui se colporte de bouche à oreille, ne cessera pas de si tôt. Pourquoi changer une méthode gagnante.
Mais nous devrons trouver les mots, le ton, les moyens de nous adresser à toutes ces femmes et tous ces hommes de bonne volonté pour faire triompher leur monde. Nous n’avons pas le choix, nous ne pouvons laisser la haine triompher pour toujours.
C’est simple. Aeschllimann ne peut pas vivre dans la vérité. Celle-ci est pour lui une condamnation immanente et permanente. Il vit dans le mensonge. C’est plus simple de dire que les socialistes ont fait intervenir Mme Taubira pour annuler les élections que de reconnaître les pressions exercées par les gens de son camp et qui ont conduit à l’annulation des élections. C’est plus simple d’accuser ses adversaires de mille maux pour cacher qu'il est le seul à avoir été condamné à de la peine de prison avec sursis et à de l’inéligibilité. C’est plus simple de mentir que de dire la vérité. Dans une campagne courte, très courte, on peut compter sur le temps du mensonge qui va beaucoup plus vite que celui de la vérité, toujours plus lente à s’imposer.
Nous avons désormais le temps d’un mandat. Suffisant pour que la vérité rattrape le menteur et le confonde. Mais nous devrons trouver là aussi les moyens de faire entendre cette vérité au-delà du boucan des casseroles aeschlimanniennes. Car la vérité a un défaut, elle ne fait pas de bruit. Il faudra pourtant la rendre audible.
Les demandeurs de logement ont reçu un courrier. Chacun d’eux est certain qu’il passera avant l’autre. Les demandeurs de place en crèche ne sont pas en reste. Et comme cela ne suffisait pas, Aeschlimann a affirmé sur ses affiches et tracts qu’il a fait baisser le chômage à Asnières. Et apparemment des gens l’ont cru. On est aux frontières du réel. On nage en plein surréalisme. N’importe quel esprit bien fait devrait crier « non, c’est trop beau pour être vrai ». Mais on les a amenés là, aux frontières d’un monde où se perdent tous repères de la réalité.Nous le savons. Et les cyniques qui les ont conduits à ces extrêmes savent que chacun d’entre eux perdra ses illusions. Ils préparent déjà l’illusion suivante.
Et nous devons nous tenir prêts dans ce monde-ci, celui de la réalité, cette réalité qui n’oubliera pas de rattraper les uns et les autres. Prêts et en mesure de bâtir une espérance sur la désillusion, redonner envie quand le dégoût aura tout submergé.
La campagne d’Aeschlimann était simple. Une seule maxime : tous les moyens sont bons pour gagner. Et il ne s’est pas privé.
Nous devrons convaincre que politique rime avec éthique. Que nous ne sommes pas tous pourris. Que ce n’est pas celui qui crie le plus fort qui a raison. Nous devrons démontrer qu’en politique la vérité existe et que souvent elle n’est pas ce à quoi nous sommes spontanément tentés de croire. Qu’elle est complexe.
Nous avons perdu et le monde de notre défaite me paraît soudain moins cruel que celui de leur victoire. C’est un plaisir de se battre pour la justice, la vérité et le vivre-ensemble chaleureux et généreux. Sans fausse modestie, je crois avoir combattu avec des gens bien, avec des gens de bien. Et j’aime leur monde. Je m’y tiendrai.
Quant à eux, ils plastronnent sur leur tas d’immondice, trône purulent d’un règne qui déjà exhale la fétide odeur de sa nature profonde. Rester à l'écart de ce monde et faire la preuve qu'en politique tout n'est pas pourri.